L'histoire.
Qualifiés de « Grecs du Nouveau Monde » par un anthropologiste moderne, les Maya atteignirent, bien longtemps avant la découverte de l’Amérique, un niveau intellectuel et artistique des plus remarquables. Cependant, les conquistadores du XVIe siècle passèrent à proximité de quelques-uns des plus grandes centres maya sans même en soupçonner l’existence. Leurs chroniqueurs mentionnent ici et là des tribus maya dépendant de roitelets sans importance politique et faciles à neutraliser. Rien de comparable aux Mexica, aux fastes de leur capitale Tenochtitlán, à l’étendue et à la richesse de leur empire, à la puissance de leur chef. C’est que l’Empire aztèque était alors à son apogée, et la civilisation maya en pleine décadence, ses grandes cités abandonnées depuis plus d’un demi-millénaire.
C’est au XIXe siècle seulement que l’importance et la beauté des ruines maya furent révélées au public. Un diplomate américain, John L. Stephens, qui avait parcouru le Mexique et l’Amérique centrale, publia le récit de ses voyages ainsi que les descriptions des ruines illustrées par d’excellents dessins d’un artiste anglais, Catherwood, qui l’avait accompagné dans ses pérégrinations. Ce fut une révélation pour les archéologues, une tentation irrésistible pour les grands voyageurs. Le Français D. Charnay, l’Anglais sir Alfred P. Maudslay allèrent reconnaître un certain nombre de sites. Ils en rapportèrent des collections pour le musée d’Ethnographie de Paris et pour le British Museum de Londres.
Les véritables fouilles commencèrent au début du XXe siècle. Les sites les plus importants du Honduras, du Guatemala et du Mexique ont été étudiés par les archéologues américains du Peabody Museum, de l’institut Carnegie, de l’université Tulane et la Nouvelle-Orléans, et par les Mexicains de l’institut d’anthropologie de Mexico. Actuellement, grâce aux progrès des méthodes d’investigation, des archéologues de diverses nationalités poursuivent des recherches extrêmement délicates et obtiennent des résultats de plus en plus précis.
L’occupation du sol
Les vestiges maya sont répandus sur un territoire de quelque 325 000 km2, à cheval sur l’Amérique centrale et le Mexique. Pour la commodité de l’étude, on le divise en trois zones : une zone méridionale comprenant la côte torride du Pacifique et les hautes terres du Guatemala et du Salvador ; une zone centrale, c’est-à-dire toutes les terres basses à forêt tropicale du Chiapas (Mexique), du Petén et du bas Motagua (Guatemala), et de l’ouest du Honduras ; une zone septentrionale recouvrant le plateau sec et couvert de brousse de la presqu’île du Yucatán.
Il n’est pas possible de fixer de dates limites à la civilisation maya. On ne sait pas exactement quand elle a commencé, et on peut admettre qu’elle se poursuit encore de nos jours sous une forme très dégénérée.
Les plus anciennes traces d’occupation du territoire maya remontent à 1 500 avant notre ère. On appelle formatif ancien cette époque où apparaissent les plus anciens agriculteurs sur la côte du Pacifique, non loin des limites actuelles du Guatemala et du Mexique, à Ocos, et, cinq ou six cents ans plus tard, à Cuadros, ainsi qu’au Chiapas central. Ils fabriquaient une céramique déjà assez variée avec un décor obtenu par l’impression de cordelettes. Ils commençaient aussi à faire des vases tripodes, ainsi que des bols à décor gravé ou peint et des têtes modelées relativement réalistes. Ils avaient des pierres à moudre, ce qui permet d’affirmer qu’ils cultivaient déjà le maïs.
Des populations plus denses d’agriculteurs s’établissent entre 800 et 300 avant notre ère, époque que l’on appelle formatif moyen, dans la zone méridionale, notamment à Kaminaljuyú (hautes terres) et à Izapa (côte pacifique). Leur céramique (Las Charcas) est beaucoup plus élaborée. Elle est en argile blanche ressemblant au kaolin. Dans la zone centrale, on trouve de la céramique de la même époque, du type dit Mamom, à Uaxactún et à Tikal (Petén).
D’autre part, il y a, dans la plaine du Pacifique, à Monte Alto, et dans la région d’Escuintla, des monolithes anthropomorphes et céphalomorphes qui évoquent, malgré certaines différences, les sculptures olmèques de La Venta et de San Lorenzo Tenochtitlán sur la côte du golfe du Mexique. Comme ses dernières, elles pourraient dater du formatif tardif.
Quoi qu’il en soit, les habitants du territoire maya à l’époque formative ne connaissaient pas encore l’écriture, ni l’architecture en pierre. Agriculteurs, ils vivaient dans des maisons en terre groupées en villages. Des restes de leurs constructions ont été mis au jour à Kaminaljuyú.
Traits caractéristiques de la civilisation
Voûte, crête faîtière, stèle-autel
Les grands sites, les sites les plus purement maya, se trouvent dans la zone centrale, quelques-uns dans la zone nord. Les ruines sont celles d’édifices cérémoniels, mais il ne fait pas de doute qu’une population assez nombreuse vivait aux alentours dans des habitations faites de matériaux périssables qui ont disparu.
L’édifice typique des grands centres maya des zones centre et nord est le temple couvert d’une voûte et surmonté d’une crête faîtière. Ces temples ne sont nullement des grands bâtiments, bien au contraire. Mais ils sont perchés au sommet d’une haute plate-forme pyramidale et dominent le site. Leur toiture est une sorte de voûte en encorbellement inventée par les Maya : construite en deux murs parallèles, elle est obtenue par l’épaississement progressif vers l’intérieur de chacun de ces deux murs. Une dalle plate la ferme hermétiquement à la jonction de ceux-ci. Cette construction est très solide, mais elle ne peut être réalisée que sur des murs assez rapprochés l’un de l’autre, de sorte que la surface intérieure utilisable est très restreinte. Extérieurement, les murs restent verticaux jusqu’à la hauteur maximum du toit, et le temple a la forme plutôt lourde d’un cube ou d’un parallélépipède. Mais il est surmonté d’une crête faîtière, haute superstructure de pierre et de maçonnerie, très ajourée, de la même largeur que le bâtiment, et qui repose sur le mur le plus solide (souvent le mur postérieur). Sans aucune utilité fonctionnelle, elle n’a, de toute évidence, été conçue que pour corriger l’aspect massif du temple et, complétant les lignes fuyantes de la pyramide, lui donner un plus grand élan vers le ciel.
La crête faîtière est réservée aux temples, mais la voûte est aussi employée pour couvrir les autres édifices. Les plus importants sont les palais. Habitations princières ou lieux de retraite ou de réunion ? On ne sait. En vérité, ils ne nous paraissent guère logeables. Pourtant ils sont beaucoup plus grands que les temples, ils se composent de plusieurs galeries voûtées accolées les unes aux autres et divisées en chambres par des cloisons transversales. Construits sur de vastes terrasses quadrangulaires et non au sommet de pyramides, ils ne dominent pas le site.
Non moins caractéristique de l’architecture maya que le temple à voûte et crête faîtière est l’ensemble monumental stèle-autel. Ce sont deux monolithes, la stèle allongée et dressée verticalement, l’autel généralement en forme d’énorme tambour posé devant la stèle. Ils sont toujours de taille considérable, certains pèsent plusieurs tonnes. Beaucoup de ces stèles et autels sont en pierre brute, mais ceux de la zone centrale, qui sont sculptés, sont des œuvres d’art d’une beauté et d’un intérêt incomparables. On voit généralement une ou plusieurs représentations humaines sur une face de la stèle, et des signes hiéroglyphiques sur les côtés.